Depuis la plate-forme d'observation de la Elsenstraße (Berlin-Neukölln) en 1974les visiteurs du mur peuvent jeter un œil au
côté est de Berlin derrière le mur. 
Je ne suis pas historien, je ne raconterai pas ici l’histoire des murs et wikipédia vous informera bien mieux que moi au sujet du mur de Berlin, de la barrière de séparation israélienne, de la ligne verte dite aussi ligne Attila à Chypre ou du Secure Fence Act qui engage la construction du mur entre les Etats-Unis d’Amérique et le Mexique. 
Droit dans le mur… Faire le mur… Dos au mur… Se heurter à un mur… Entre quatre murs… On ne compte plus les expressions populaires employant le mot « mur ».
Et finalement, chacune me va bien pour le projet qui me préoccupe ici.
Au début de ce confinement, j’étais « au pied du mur » dans une situation professionnelle chaotique à la recherche d’un beau projet qui me sortirait la tête d’une petite série de revers et qui me permettrait de renouer avec une pratique photographique plus personnelle.
Je dois avouer que ce confinement a été une aubaine pour moi et l’occasion de me questionner sur mon rapport à la production de photographies et au-delà, mon histoire.
Berlin bien sûr, on ne sort pas indemne d’une année de casernement dans cette ville murée qui, sous des airs légers, cultivait alors le paroxysme de l’enfermement. 
Ici les soviétiques étaient nos alliés et avec, les britanniques et les états-uniens, nous étions ici pour occuper la ville et ainsi affirmer la victoire de ces quatre sur l’Allemagne nazie. Mais côté ouest, nous n’étions plus que trois, dignes représentants du monde libre, le défendant contre l’agresseur présumé communiste. 
On remarquera ici que, selon que l’on soit de tel ou tel bord de l’édifice, on le qualifie de mur ou de barrière ou encore de ligne, les nuances sont importantes. Et, moi, libre mais enfermé, je devais disposer, pour sortir dans la ville en dehors des heures réglementaires, d’une forme d’ « attestation de déplacement dérogatoire » communément appelée dans le jargon militaire « un quartier libre » à ne pas confondre avec la « Perm’ » qui elle me permettait de rentrer en France plus ou moins longtemps.
Alors, de quel côté du mur étais-je ? Il y avait-il seulement un côté ? Il allait bien falloir que je fasse quelque chose de ça un jour ou l’autre mais j’étais devenu, de fait, un spécialiste du confinement.
Et puis, la photographie. Mercantile, jusque-là j’en vis, mais pas que. La photographie et son rapport au temps, ce truc fascinant et fondamental pour moi, qui consiste en appuyant simplement sur un bouton à fixer définitivement un moment. Navré pour le lieu commun, mais c’est un fait et que la photographie soit de presse, de mode, paysagère, plasticienne, humaniste… il n’en reste pas moins que quelle que soit sa forme ce rapport au temps est indissociable de son existence. Cela me guide quotidiennement dans ma pratique.
Voilà, je questionne ici mon habituel rapport au temps par une description paysagère précise et aussi divers sentiments provoqués par la privation de liberté, la disparition de l’horizon, la peur de l’autre, l’isolement… Toutes notions communes à mon expérience berlinoise et à la situation vécue aujourd’hui.
Mais après tout, de quel côté suis-je ? Ma pratique de la photographie n’est-elle pas qu’une introspection et en voulant toujours voir et montrer, n’est-ce pas moi que je veux que l’on voit ? 
À vous de voir.

La Elsenstraße (Berlin-Neukölln) du point de vue le plus similaire en 2008, le floutage en haut à gauche de l'image est généré par Streetview. © Google Streetview

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